DISCOURS
DABDICATION
Prononcé par le Roi Léopold III, le 16 juillet
1951.
Mesdames, Messieurs,
Le 31 juillet 1950, afin de ramener la concorde
dans le Pays, j'ai accepté que l'exercice des
pouvoirs royaux fût confié à mon fils; ma
volonté était de renoncer définitivement au
Trône si le ralliement de tous les Belges se
réalisait autour du prince Baudouin.
Je considère que ce ralliement est acquis.
C'est pourquoi, j'ai pris la décision d'abdiquer
en ce jour.
Je m'y suis résolu avec l'unique souci de
sauvegarder l'unité du Pays et de servir l'institution
monarchique que le Congrès national, en 1831, a
mise à la base de notre Constitution.
Je vous ai réunis parce que l'intérêt national
comme la stabilité de la Dynastie exigent que ma
décision de mettre fin à mon règne s'accompagne
dune manifestation solennelle de concorde.
Je ne parlerai pas du passé.
Mais mon devoir de Souverain m'impose, en ce
dernier moment de mon règne, de rendre un
vibrant hommage aux vertus militaires et civiques
dont le peuple belge a fait preuve au cours des
heures dramatiques et cruelles qu'il a
traversées.
Justice ne lui a pas toujours été rendue.
J'affirme qu'en 1940, l'armée a vaillamment
combattu jusqu'à l'extrême limite de la
résistance et que la population, sous l'occupation
ennemie, a témoigné dignement de ses vertus
traditionnelles d'endurance, de courage et de
patriotisme.
Je salue la mémoire de ceux qui ont fait au Pays
le sacrifice de leur vie.
Mon cher Baudouin, c'est avec fierté que je te
transmets la noble et lourde mission de porter
désormais la Couronne d'une Belgique demeurée,
malgré la plus terrible des guerres et les
bouleversements qui l'ont suivie,
territorialement et moralement intacte, libre, et
fidèle à ses traditions.
Cette mission, tu l'exerceras avec la volonté de
servir ton Pays et de continuer l'uvre de
la Dynastie, en te conformant ainsi aux principes
que je t'ai inculqués. Ces principes, je les ai,
reçus moi-même de mon Père, le roi Albert; ils
ont toujours inspiré mon attitude au cours des
dures années d'un règne que je laisse à l'Histoire
le soin de juger.
La sympathie et la confiance avec lesquelles la
population, tout entière t'a accueilli, me
permettent de déposer définitivement les
pouvoirs royaux sans appréhension pourl'avenir
et avec la conscience du devoir accompli.
Mesdames, Messieurs,
Je suis convaincu que vous soutiendrez mon fils
avec abnégation et loyauté dans l'accomplissement
de sa tâche constitutionnelle.
N'oublions jamais qu'elle comporte le maintien de
l'indépendance nationale et de l'intégrité
territoriale de la Belgique et du Congo belge.
Mes chers compatriotes,
Au moment où je dépose ma charge, mes pensées
ne peuvent se détacher des années que j'ai
vécues au milieu de vous.
Le souvenir me restera toujours présent de l'émotion
qui m'a étreint lorsque, l'an dernier, après
une si longue séparation, jai remis le
pied sur le sol de ma Patrie.
Comme vous, j'aime mon pays.
J'ai partagé vos joies comme j'ai partagé vos
peines, en me tournant avec une particulière
sollicitude vers les plus humbles d'entre vous.
A tous ceux qui, si nombreux, n'ont cessé de me
rester fidèlement attachés, j'exprime toute ma
gratitude. Je conserverai précieusement dans mon
cur le souvenir de leur affection.
Les dernières
paroles que je prononce comme Roi des Belges sont
pour vous rappeler avec force, mes chers
compatriotes, que l'avenir de la Patrie dépend
de votre solidarité nationale, et pour vous
demander de vous grouper avec ferveur autour de
mon fils, le roi Baudouin.
Je vous en conjure, soyez unis.
Que Dieu protège la Belgique et notre Congo !
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